L’enjeu agricole, défi premier du troisième millénaire
« Mais toujours c’est vers le financier gaspilleur, vers le bourgeois taquin et avare, que va de siècle en siècle la richesse des champs des vignes et des bois ».
Ce qu’affirmait Jean Jaurès au début du 20ième siècle a toujours autant de pertinence aujourd’hui. Le sait on ? Il n’y a jamais eu autant de paysans dans le monde. Et une majorité de pauvres ou très pauvres, et de paysans qui ont faim. La crise agricole de ce début de troisième millénaire est à la racine de la crise économique et financière que connait le monde.
On n’en a pas vraiment conscience en France où les paysans représentent une force productive résiduelle. Pourtant les agriculteurs français et européens productifs et mécanisés font partie de ces 2 % de producteurs qui assurent 50 % de la production mondiale.
Que faire des 98 % restant dans un monde qui a faim, où les bidonvilles, produits d’un exode agricole non maitrisé explosent ?
Comment doubler la production agricole dans les cinquante ans qui viennent pour nourrir 9 milliards d’humains ?
C’est un défi colossal à relever dans une période où de grands groupes multinationaux, mus par la seule recherche du profit financier envisagent, à Madagascar, en Indonésie, au Gabon, au Sénégal, de s’approprier des terres pour produire de façon non durable, voire « minière » de la nourriture et des biocarburants, où la coexistence obscène des terres sans hommes et des hommes sans terre est la règle.
Alors comment, en France, et en Europe redéfinir une Politique Agricole Commune qui depuis 1992 a mis en place un système à l’anglo saxonne et démantelé l’organisation des marchés et les outils de gestion publique créés par le Front Populaire ?
Comment faire accepter dans une « économie de marché ouverte ou la concurrence est libre » pilotée par l’OMC et l’Union Européenne la nécessité impérieuse pour tous les pays de protéger leur agriculture pour organiser des échanges équitables ?
Comment en France, en Europe, dans le monde, redonner à la petite paysannerie le rôle économique, social, écologique qui doit être le sien ?
De telles questions fondamentales pour le devenir même de l’humanité ne peuvent être laissées à des experts ou à la seule profession. Elles interpellent tous les citoyens, toute la société.
Michel de Chanterac